Le HAUT-OSSAU, Le long du Gave d'Ossau
 ous voici à Laruns (38 kilomètres de Pau, 1 heure 30 en chemin de fer,)
altitude 500 mètres, station terminus de la voie ferrée.
Cette petite ville, aujourd’hui la plus importante de la vallée, n’offrait qu’une curiosité : c’était l’antique portail de son église. Au moment où son classement comme monument historique allait être prononcé, on s’aperçut de sa disparition : il s’était trouvé un architecte pour le démolir et le remplacer !
Laruns, ainsi que Bielle et Eaux-Bonnes, sont intéressants à voir les jours de fête locale, de processions, ou de mariage. Ces jours-là, les femmes revêtent leur costume national, riche et éclatant, resté le même de puis une haute antiquité. Elles l’ont maintenu soigneusement jusqu’à ce jour.
Quelques hommes revêtent aussi le leur, mais le costume masculin tend à se modifier et à disparaître et, c’est dommage. Les danses ont lieu au son de l’antique et monotone « tambourin ».
La montagne au pied de laquelle se trouve Laruns est le Cinq-Monts (1902 mètres). Son ascension est assez pénible ; la vue est très étendue sur les massifs du Gabizos, du Ger, d’Ossau, d’Anie, et sur la plaine.
On part de Laruns pour aller au Col de Sieste, qui mène à Bedous dans la vallée d’Aspe. La vue du Col est très belle, et toute l’excursion se fait au milieu des plus pittoresques paysages de montagne.
De Laruns, on peut également faire le pic de la Gentiane (1750 mètres), qui doit son nom à la grande quantité de plantes de ce nom que l’on y rencontre. Il est heureusement placé au milieu d’un cirque de montagnes, parmi lesquelles se remarquent le Ger, le Gourzy, le Palas, l'Arriel, le Balaïtous, le pic d’Ossau, las Sérous, le Sesques et son aiguille, le Montagnon d’Iseye et le Cinq-Monts.
Sur les flancs d’un contrefort de la Gentiane, au Sud-Ouest de Laruns, se trouve une mine de plomb et de zinc argentifères.
Vis-à-vis de Laruns, accroché aux flancs escarpés de la Montagne Verte, apparaît le village d’Assouste, assez curieux par ses vieilles maisons, les ruines d’un château, et son antique église de style roman.
EAUX-CHAUDES.
La route de Laruns à Eaux-Chaudes est remarquable par le défilé du Hourat, où elle est taillée dans le roc vif entre le Gourzy à gauche, et le Pan, contrefort de la Gentiane, à droite. Au-dessous d’elle, le Gave gronde dans un étroit couloir, à une soixantaine de mètres de
profondeur. La roche se trouvant en retrait à un endroit, on a dû bâtir un pont à côté du torrent : c’est le pont du Hourat. Un sentier rapide, ménagé sur la gauche, permet d’aller jusqu’au bas, où le Gave se précipite avec fracas en une cascade d’écume. Il vaut la peine d’y descendre.
Il fut un temps où le Gave s’abîmait là, pour ressortir dans la plaine à 1.5 kilomètres plus loin. Hourat veut dire trou en béarnais. Puis le trou se boucha, et le torrent franchit la barrière, creusant peu à peu cet étroit lit de roches que l’on admire aujourd’hui.
Après le Hourat, on dépasse le pont Crabé (pont des Chèvres), où l’ancienne route, construite par les ingénieurs de la marine sous Louis XV, rejoint la route actuelle. Cette vieille route, beaucoup plus rapide, économise aux piétons un trajet de 1500 mètres.
Un instant après le pont, dans le fond de la vallée, se dresse la fourche du pic d’Ossau (2885 mètres). Eaux-Chaudes, 1 heure de Laruns, 45 kilomètres, 2 heures 30 de Pau,
Altitude 675 mètres, dépend administrativement de Laruns. Paysage restreint à une gorge sauvage ; toute l'ampleur réside dans la hauteur des murailles, les unes hérissées de buis, de hêtres et de sapins, les autres dénudées et bosselées. Connues, dit-on, par les Romains, elles n’acquirent une certaine notoriété que sous les rois de Navarre ; Henri IV, qui y fut avec Fosseuse, y laissa de légendaires souvenirs, et en réglementa l’administration.
On y traite principalement les maladies utérines, les rhumatismes, et les affections légères de poitrine. La température, fraîche et humide le matin et le soir, est très élevée au milieu du jour quand le soleil enfile la gorge. Eaux-Chaudes possède deux jolies promenades très pittoresques et ombragées, une sur chaque flanc de la gorge qui l’enserre.
Au bout du village on passe le pont d’Enfer, qui n’a rien de remarquable, mais à côté duquel tombe la cascade de même nom, qui jaillit d’une petite ouverture en plein flanc de la montagne. A 330 mètres au-dessus se trouve le petit village de Goust, composé de 9 maisons, qui constitue, tant par sa belle position sur un plateau que par les moeurs patriarcales qui y sont en honneur, une promenade aussi intéressante qu’agréable. On peut aller d’Eaux-Chaudes à Eaux-Bonnes par la montagne du Gourzy (5 heures 1/2). C’est une promenade très belle et facile. A la montée, en appuyant à droite, on peut aller visiter une grotte (1 heure) au fond de la quelle bruit un torrent. On peut aussi, laissant le Gourzy à gauche, aller au col de Lurdé (1951 mètres), et au pic de Goupey ou Cézy (2209 mètres).
C’est du col de Lurdé que l’on jouit de la plus belle vue du pic d’Ossau : on le voit depuis la base de son massif, et la formidable hardiesse de sa silhouette en fait une apparition saisissante, dont aucun autre pic des Pyrénées, ni même des Alpes, ne peut donner une idée.
Du sommet du Goupey, la vue s'étend sur les vallons du Soussouéou, de Broussette, de Gabas et de Bitet, entourés de grands massifs chauves et de crêtes dentelées. Au Sud-Est dort le grand lac d’Artouste, à l’ombre du Balaïtous, et de sommets dont le moindre dépasse 2800 mètres. On peut aller à ce lac par le val de Soussouéou, qu’on atteint soit par le col de Lurdé, soit par la pente escarpée de Herrana, au pied du Cézy.
Une des plus belles excursions à faire d’Eaux-Chaudes est le pic de Sesques (2005 mètres). A 3 kilomètres après le bourg, on prend, sur la droite, le val de Bitet, dont les hauteurs sont des repaires d’ours, puis on monte au Sud vers Las Serous, que l’on laisse à gauche pour monter à un col entre le Scarput et le Sesques. On se trouve dans un cirque dominé au Sud par des monts tourmentés, couverts d’excroissances parmi lesquelles se distingue l'aiguille de Sesques, sorte d’obélisque d’une cinquantaine de mètres de hauteur. Les cristaux abondent sur le Sesques. La vue est très belle et très particulière car, à côté des Pyrénées françaises dont on connaît l’aspect, se dressent, à partir du pic d’Anie, les Pyrénées espagnoles si différentes, avec leurs coupures à vif, leurs longs escarpements agrémentés de tours, de tuyaux d’orgue et de créneaux, le tout teinté de brun, comme par une rouille, mais une rouille en quelque sorte vivante, empourprée, animée parle feu du soleil.
Vers l’Ouest, à l’extrême horizon, on aperçoit le pic des Trois-Couronnes ; à sa droite un coteau bleu : c’est l’Océan.
On peut descendre dans le cirque Nord par une mauvaise crête presque verticale dont les lames schisteuses sont peu solides. Le pas est difficile. Ce cirque garde une partie de sa neige toute l’année. Les isards y sont nombreux. On arrive au lac d'Isabe, entouré de hautes murailles le long desquelles glissent plusieurs cascades, puis, par une pente boisée extrêmement rapide, on rejoint le val de Bitet. Les paysages que l’on a eu sous les yeux ont constamment changé de caractère sans cesser d’être imposants ; mais cette magnifique excursion est l’une des plus fatigantes qui se puissent faire en un jour.
C’est encore par le val de Bitet que l’on passe pour aller visiter le plateau, les lacs et le pic du Montagnon d’Iseye.
A 5 kilomètres au-delà d’Eaux-Chaudes, la gorge s’élargit un moment au confluent des Gaves de Sousoueou et d’Ossau, à la base méridionale du Goupey. Là-haut, vers le col de Lurdé, est une mine de cuivre, et 5 kilomètres plus à l’Est, la mine d’Aar, d’où l’on extrait du plomb et du zinc argentifères.
La route est en ce moment comme ensevelie dans la verdure des monts environnants ; il semble que les forêts couvrent tout, depuis les bords des gaves jusqu’aux sommets extrêmes. Au Sud apparaît brusquement la dent de loup du pic d’Ossau, qui disparaît de nouveau bientôt après.
GABAS
A 8 kilomètres d’Eaux-Chaudes, A 53 kilomètres, 4 heures de Pau, à 1125 mètres d’altitude, est un bourg composé de quelques maisons. On y a exploité des marbres, mais bien inférieurs à ceux de la basse vallée d’Ossau. Chapelle du quinzième siècle. En 1120, Gaston IV y fonda
un hospice pour les pèlerins.
La promenade classique de Gabas est le plateau de Bious-Artigues, à 5 kilomètres au Sud, charmante oasis d’arbres et de prairies traversée par le Gave, et que domine, d’un seul jet de 1500 mètres, le géant d’Ossau aux flancs décharnés ; on dirait un vieux guerrier, farouche et décrépit, veillant sur un berceau.
On peut aller de là à tous les pics de l’Ouest, au lac d’Aule, qui n’a rien de remarquable, aux lacs d’Ayous, qui sont charmants, et au col des Moines, large porte ouverte sur l’Espagne.
Pic d’Ossau (2885 mètres). Cette ascension est indiquée par le Joanne :
A — en passant par la vallée de Broussette,
B — par Bious-Artigues. La section de Pau le fait par Bious-Oumettes et le val de Magnabaigt, ce dernier formant comme une avenue de 3 kilomètres qui mène au pied de la première cheminée. On se trouve là au col dit de Suzon ; la vue qu’on y découvre est déjà très belle. L’arête forme une autre dépression vers l’Est : c’est le col de Pombie, au-dessous duquel on trouve, dans des calcaires et des schistes de transition, du minerai de manganèse.
A 5 kilomètres environ au Sud, dans le val de Roumigas (Espagne), il y a un gisement d’anthracite d’excellente qualité.
L’ascension de l’Ossau est devenue très facile, grâce aux crampons de fer que l’administration a fait placer dans les cheminées. Ces cheminées sont d’étroits couloirs très inclinés, entre de gros blocs de porphyre. Il y en a trois à escalader.
Certains se sont fort affligés de la présence de ces crampons. Tout le monde aujourd’hui peut gravir l’Ossau, dont l’ascension n’est plus que vertigineuse ; tout le monde peut en descendre sans risquer de se rompre le cou ; et c’est peut-être ce qui les désole, car il y a des alpinistes qui semblent ne pas admettre qu'on puisse aimer la montagne sans aimer le danger.
Leur hummeur contre les crampons a nui à leur opinion sur le pic. Si vous parcourez le Joanne, vous remarquerez que les vues secondaires de cette région sont qualifiées de très belles où de magnifiques, et qu'il est dit de celle de l'Ossau, qui les comprend toutes, « qu' elle est plus étendue que belle. » Il est vrai que le comte H.Russell écrit qu'elle est bornée.
On nous accordera qu'un ensemble, dont toutes les parties sont très belles ou magnifiques, ne peut cependant pas être ordinaire.
Ceux qui feront cette ascension se souviendront de la dernière pente. On passe sur une arête à côté de laquelle, au sud, s'ouvre tout à coup un formidable précipice. Le vent souffle violent et glacé. Le grand pic qui, du Nord, semble être d'un seul bloc, est ici fendu dans toute sa hauteur. L'oeil plonge, entre deux murailles bronzées, dans une profondeur qui paraît sans limite. Le regard s'y perd, et l'imagination n'a rien rêvé au delà. Les cailloux que l'on fait rouler rendent un son métallique, et produisent dans le fond, pendant longtemps, de sourdes détonations.
Le pic est une ruine. Les glaciers ont semé ses débris, le long de la vallée d'Ossau et jusque dans celle d'Oloron, sur un parcours de 30 Kilomètres. Les blocs descensus sur les pentes, vers Broussette, Peyreget et Bious-Artigues, suffiraient à édifier une montagne. Les
plus grands et les plus anciens ont rebondi jusqu’à 4 kilomètres de son pied ; ce qui fait penser que sa hauteur a dû bien décroître, car ils ne roulent actuellement qu’à 500 mètres au plus.
N’étant protégé par aucun massif, solitaire combattu des éléments déchaînés, fendu, disloqué, vaincu des siècles, il se dresse, formidable encore, du sein de ses écroulements. Il semble tenir à distance les autres pics, comme un souverain qui les a peut-être dominés tous.
Le panorama de l’Ossau ne ressemble à aucun autre. Allez au Ger, au Piméné, au Pic de Bigorre, etc., c’est toujours le même aspect avec de nouvelles montagnes. Ici, sur « l’immense obélisque, » l’impression est inédite.
Vus du sommet, les contreforts voisins s’aplatissent dans la plaine : on est au centre d’un cirque de montagnes de 25 kilomètres de diamètre. On plonge dans les vallées, et l’ossature entière des massifs se dessine comme sur une carte en relief.
Au Nord, des monts de moins en moins hauts, qui laissent voir Pau assez près, puis l’immense plaine.
A l’Est, une ligne ininterrompue de pics qui vont toujours se haussant, du Ger qui a 2612 mètres au Balaïtous qui en a 3146, et qui s’écarte vers le Vignemale 3298 mètres et le Mont-Perdu 3352. Une foule de cimes apparaissent au delà, entre lesquelles le Pic du Midi de Bigorre à 50 kilomètres.
A l’Ouest, les montagnes de droite et de gauche de la vallée d’Aspe entremêlent leurs sommets, de sorte que le pic d’Anie, distant de 26 kilomètres, semble appartenir au premier plan. Dans le lointain, les pointes azurées des montagnes basques.
Au sud, la Pena Collarada barre l’horizon, laissant à chacune de ses extrémités une large échappée sur l’Espagne ensoleillée, à gauche vers l’Aragon,
à droite vers la Navarre. C’est une ondulation lointaine, vaporeuse, une mer infinie de pics bleus, dont les derniers baignent leurs bases dans les flots de l’Ebre, comme les monts Cantabriques, qui meurent dans l’horizon de droite, baignent les leurs dans l’Océan.
Le tour du Pic d’Ossau constitue une promenade très belle, très intéressante, et assez fatigante. On passe au milieu de ses terrifiantes démolitions, et auprès du lac de Peyreget, dans lequel se mirent ses murailles d’un à pic de 1000 mètres.
De Gabas, on peut aller, par le val d’Arrius, au lac d’Artouste, nappe d’eau d’une étendue de 50 hectares en caissée dans les rochers.
Du lac, on peut gravir le terrible Balaïtous, ce « Cervin des Pyrénées », comme l’appelle le comte H. Russell. On monte d’abord, vers le Sud, jusqu’aux lacs d’Arrémoulit, puis, vers le Sud-Est, au col du même nom, ouvert sur l’Espagne entre le Palas et l’Arriel. Le C. A. F. a fait bâtir près du col, en 1887, un abri où l’on peut passer la première nuit, mais mal, car il est très humide. Nulle partie des Pyrénées n’offre, soit à la montée, dans les vallons inhospitaliers, soit au sommet, près de précipices bleuis par la profondeur, des sites plus formidables ni plus sauvages. On aime revenir au Pic d’Ossau, au Vignemale, au Pic du Midi de Bigorre, on revient rarement au Balaïtous.
De Gabas, par la vallée de Broussette, on va encore à Sallent, au pic d’Enfer, et aux bains de Panticosa, en Espagne.
Sources
- De PAU au PIC D’OSSAU, Préface du COMTE HENRY RUSSELL, PARIS.IMPRIMERIE DE L’ALBUM Illustré des villes d'eaux.
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