Ligne de PAU à OLORON 
 rande et bonne nouvelle ! Après une longue et douloureuse attente, nos désirs reçoivent satisfaction. L’Assemblée nationale vient de prononcer son irrévocable arrêt.
La joie est grande.
Jusqu’ici, complètement déshérités de voies ferrées, nos thermes se trouvaient dans un état d’infériorité vis-à-vis des établissements rivaux. La vapeur portait à ceux-ci les voyageurs, et, pour venir chez nous, malades et touristes étaient
obligés de prendre, pour une partie du parcours, les vieux moyens de transport si lents et si incommodes.
Les Eaux-Bonnes et les Eaux-Chaudes, grâce à leur supériorité thérapeutique, avaient pu soutenir la lutte. Au jour prochain où elles combattront à armes égales, leur triomphe est certain.
Leurs rivales se trouveront réduites au rôle que, dans le récit des courses que les Troyens célébraient en Sicile en l’honneur d’Anchis, le grand poète latin donna à Salius vaincu par le rapide Nisus : Longo sed proximus tamen intervalles.
Au moment où s’est engagée la lutte devant l’Assemblée nationale, voici quelle était la position des deux partis hostiles.
Le tracé d’Oloron-Artix avait pour lui l’avis du Conseil général qui pèse d’un si grand poids dans la solution des questions d’intérêt local.
Quatre de nos députés le soutenaient avec talent et zèle.
Nous avions pour le tracé préféré par la vallée d’Ossau cinq de nos députés, l’avis des agents des ponts et chaussées, si compétents en pareille matière, celui surtout de notre savant ingénieur des mines, M. Genreau, qui a soutenu le projet avec une rare énergie et une persévérance au-dessus de tout éloge. Nous avions enfin l’appui de l’autorité militaire
toujours consultée au point de vue stratégique.
La compensation était plus que suffisante. Nous n’étions pas cependant sans inquiétude. Les votes des assemblées sont si incertaines !
Les débats s’ouvrent. M. La Caze prend le premier la parole. Après avoir donné lecture de l’amendement présenté par lui dans
un langage bref, concis et modéré il fait l’historique de la question pendante. Depuis vingt-cinq ans, toujours avait été convenu que le chemin de fer partirait d’Artix pour aboutir à Pau. Ce n'est que plus tard que fut soulevée la malheureuse question qui nous divise aujourd’hui.
Rien cependant ne motive ce changement.
M.La Caze est pris d un vif mouvement d'indignation au souvenir des allégations Calomnieuses qui reprochent à l'honrable député d'avoir répudié la défense des intérêts des Eaux-Bonnes et des Eaix-Chaudes.
« A coup sûr, s’écrie-t-il, ce n’est pas nous qui voudrions retarder d’une heure la satisfaction due non seulement aux Eaux-Bonnes, mais à ces milliers de malades qui, de tous les points du monde, viennent y chercher la santé et la vie ; mais, lorsqu’on nous oppose cet argument, permettez-moi d’y répondre par un mot.
« Est-il équitable, pour l’Etat, dans la perspective d’une économie à réaliser, et parce que le département a été si mal partagé dans ses faveurs, de faire porter à l’arrondissement d’Oloron la peine de vingt années de retard ?... J’avoue que je n’ai pu voir sans amertume se produire cet amendement, car c’est l’isolement dans lequel a été laissé l’arrondissement d’Oloron qui a amené le ralentissement de sa vieille activité commerciale et qui crée à ses adversaires des arguments qu’on retourne contre lui. »
Plus loin :
« Qu’il me soit permis de demander au Gouvernement s’il n'a pas contracté une sorte d’engagement moral vis-à-vis de nous. Cet engagement n’a-t-il pas été violé ? »
M. Barthe répond à M. La Caze.
Il regrette d’avoir à le combattre, mais la nécessité de défendre les vrais intérêts du pays méconnus, lui fait un impérieux
devoir de prendre la parole.
Chacun des intéressés cherche, dans toutes les circonstances, à attirer à lui les avantages et les bénéfices des propositions projetées ; ce mobile est un mauvais conseiller. Sans doute, l’assemblée départementale est le juge le plus compétent des questions locales, et son opinion doit être écoutée, à moins de considérations d’une extrême gravité. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une de ces situations.
M. Barthe croyait l’amendement relatif au tracé d’Oloron à Artix définitivement abandonné.
« Mes honorables collègues ont eu le courage de le faire revivre, et M. La Caze de le défendre....
L’intérêt administratif, quand il s’agit d’une voie de communication, est toujours un intérêt très-considérable. Or, Pau est le chef-lieu du département, Oloron est un chef-lieu d’arrondissement.
Il est donc rationel qu’on relie directement Oloron à Pau. Pau est le centre de tous les services publics ; c’est là que se
trouvent les bureaux des contributions directes, des contributions indirectes, de l'administration des forêts. C’est là aussi
que se trouve le Lycée national et que résident les inspecteurs de l’académie. Pau, enfin, est le siège de la Cour d’appel. »
M. Barthe termine par un dernier argument qui produit un certain effet sur l’Assemblée : Artix n’a que 718 habitants.
Pau en compte 27.300. Un chemin de fer doit être dirigé vers une ville importante plutôt que vers un mauvais village.
L’orateur donne un certain développement à ce dernier argument, et descend au bruit des applaudissements partis de tous les points de la salle. MM.Langlois et de Rességuier, étonnés de se trouver une fois d’accord, avaient interrompu M. Barthe par de bruyantes acclamations.
La cause était gagnée.
M. Chesnelong monte enfin à la tribune. Il soutient avec son talent ordinaire le tracé d’Artix ; mais il arrive trop tard. La discussion est épuisée, tous les arguments ont été longuement développés. L’éminent orateur veut prêter à ses collègues l’appui de son éloquence. Il trouve cependant une nouvelle thèse.
« L’intérêt général est évidemment du côté que je vous recommande, et puis, il y a une autre considération que je soumets aux réflexions de l’Assemblée, car je la croix sérieuse, et j’appellerai sur ce point ses méditations.
« L’Espagne ne restera pas toujours dans la situation où elle est, et il y a lieu de se préoccuper de nos relations avec elle. Or, en ce moment, l’Espagne centrale est reliée à Bayonne par Irun. Un moment viendra où l’Espagne septentrionale sera reliée à Oloron par Jacca. »
C’est la thèse nouvelle. M. Chesnelong la développe avec son éloquence bien connue. Mais,le parti était pris, l’opinion arrêtée, rien ne pouvait plus la changer.
Terminons enfin par l’analyse des courtes paroles du rapporteur :
« Le département des Basses-Pyrénées a été, en effet, divisé sur la question qui nous occupe, celle de savoir s’il fallait diriger le chemin de fer d’Oloron à Artix ou d’Oloron à Pau.
Mais la commission, qui a étudié avec beaucoup de soin cette question, le Gouvernement, le Conseil des ponts et chaussées et le Conseil d’Etat ont été, en revanche, d’un avis uniforme.
Tous ont vu un intérêt général de premier ordre à relier Oloron à Pau. Si on ne considère que la localité elle-même, la question est indifférente, car la statistique constate que le mouvement commercial est aussi important d’Oloron à Pau, que de Pau à Artix.
Mais il y a un immense intérêt public, c’est d’assurer le service des Eaux-Bonnes et des Eaux-Chaudes qui se trouvent rapprochées du chemin de fer d’Oloron à Pau. Si vous dirigez au contraire l’embranchement sur Artix vous perdrez cet avantage et vous ferez faire aux nombreux malades qui se rendent à ces eaux vingt kilomètres de plus en voiture. »
C’est le véritable langage de la vérité dans toute sa simplicité, c’est un admirable résumé de la question dépouillée des phrases inutiles qui l’embrouillent et fatiguent l’attention.
La loi a été enfin votée à une grande majorité.
Inutile de dire que les citations que nous mettons dans la bouche de nos honorables députés ne sont pas les paroles qu’ils ont prononcées. Notre compte rendu n’est qu’un pâle reflet de leurs éloquents discours, c’est, si je puis m’exprimer ainsi, le résumé d’un résumé. Les éléments ont été empruntés, en grande partie, au remarquable article de l'indépendant. Nous engageons nos lecteurs à le lire.
Nous voulions faire connaître à ceux de nos abonnés qui ne lisent pas le Journal officiel — et nous les croyons nombreux — les arguments développés par les députés amis ou adversaires du projet que nous désirions depuis longtemps.
Dr DE BATAILLE.
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