La vallée d'Ossau : d'Aüssaü
Culture et Mémoire





LE PATRIARCHE
ET LES TROIS JOUVENCEAUX


Un octogénaire skiait.
Passe encor de marcher; mais skier à cet âge !
Disaient trois jouvenceaux et skieurs du dimanche;
Assurément il radotait.
Car, au nom des dieux, je vous prie,
Quel plaisir sur les planches vous saurez recueillir ?
Jamais un patriarche n'a su faire que dormir.
A quoi bon charger votre vie,
Des soins d'un tel plaisir qui n'est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu'à vos exploits passés ;
Quittez cette tenue et laissez – nous passer.
Tout cela ne convient qu'à nous.

Il ne convient pas à vous-même,
Répartit le vieillard.
Apprenez à skier, ne vous occupez guère,
De celui qui toujours serpente sur la neige.
La main des parques blèmes veille sur nos destins;
De vos jeux et des miens se joue également.
Qui de nous des splendeurs de ces cimes enneigées,
Doit jouir le dernier ?
Est-il aucun moment qui nous puisse assurer
D'un second seulement ?
Eh bien ! Défendez-vous au sage
De se donner des soins pour lui-même à son âge ?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui.
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore.

Le vieil homme eut raison.
Dans le shuss de départ, nos jeunes téméraires
S'élancent imprudemment.
Déportés sans contrôle, deux d'entre-eux finiront
Leur descente écourtée, perclus et moribonds.
Derrière les civières le troisième en tremblant
Invoque en sanglotant la déesse Oréade,
Implorant son pardon d'avoir impunément outragé sa mémoire.

Comme à l'accoutumée, le vieil homme rentra
Comblé par sa journée au grand air exposé
Ravi et satisfait il grava l'épisode conté sur son vieil agenda.


Sources

Texte Pierre BOY
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