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          Dé quaûque arrisoulét hounore mas cansous 
Sus mouns bers, quaûque cop passéye touns oueillous. 
Lougtems a que moun cô, régrétan ta présence 
Dé larmes et doulous se netirich dans l'absence. 
De noustes prumès ans encouère bét soubiens 
D'aquét houléyadés, d'aquéts yocs innoucens. 
Quoan à l'aube deu ceû ta bouque tan resquette 
Disputabe l'esclat, et quoan de ta manette 
Quaûqu'arré dé ta dous sourtibe tantiquan 
Yamey n'at desbroumbé cent cops en la touquan 
B'em senti trémoussât, plus gay que per 
prudères. 
Lous souflétous tabé qui dessus mas machères 
Hases cadé soubén, quoan de tu m'aprouchabi 
Perço que de trop près, si dises, te parlabi. 
Yamey noum hen gran maû; lou countrari, couziotte 
Qu'em hazèn espraba liiayou de ta manotte. 
Touns oueils, quoan paréchè qu'et anabss fâcha, 
Tendremén qu'em disèn: Que pots recoumença. 
Diù sab si m'espargney. Puch de quoan 
de manières 
Are per las maysous, are per las carrères, 
Peûs casaùs et peûs camps, per ribères, 
peûs prats 
Toustem l'û près de l'aùt, qu'ens abérén troubats 
Aquo nou hou qu'û yoc; mes quan noustes anades 
Chic à chic, en grandin, se trouben augmentades 
Abans lou pay Adain, nou y abou créatures : 
Dounques, abans Adam, nou houn Truquetaulès. 
Ta nous aûts, bén y prou que housse deûs permès. 
Digat-mé, que hazè quoan soun tros de hemnette 
D'ap la serp débizan, guignabe la poumette 
Dilleû, plà s'arrayan, qu'es rougnabe las oungles 
Ou dilleû coum bèt pèc, parlabe à las aùroungles. 
Pot esté que bédé quin l'ayguette coulabe 
Quin baden flous et fruts  
et d'oun lou bèn bouhabe. 
Bé poudè, pla tabé, hà qu'aûqu'arrépourè 
Sus ço qui de nabèt à tout moumén bédé. 
Sufféch que d'aquet feyt la Gleyse s'ey carade 
Et que poudém pensa ço qui mèy  
nous agrade. 
Adam dounc, si bous plats, per p'at dise en dûs moûts, 
Hou drin Truquetaulè lou bêt permê de touts. 
Imprudamén lécha la soue mouillé soulette 
Quoan la serp s'escounè dehéns l'herbe resquette. 
Àquo hou manquamén d'û pèc, d'û aûruguè 
Et d'û cap rebirat, estros Truquetaûlè; 
Car si l'aymabe tan, perqué, toute esbarride 
Coum û youen chibalét que nou rétien la bride 
Capbat deûs nabéraàs, soûle l'abandouna 
Et débat lou poumè la lécha caquetta ?             | 
           	       
    De quelque petit sourire honore mes chansons; 
Sur mes vers quelquefois promène tes beaux yeux. 
Il y a longtemps que mon cœur, regrettant ta présence, 
De larmes, de douleurs, se nourrit dans l'absence. 
De nos premiers ans encore il te souvient 
De ces folâtreries, de ces jeux innocents 
Quand, à l'aube du ciel ta bouche si vermeille 
Disputait d'éclat, et quand de ta petite main 
Quelque chose de doux sortait de temps en temps. 
Jamais je ne l'oublierai cent fois en la touchant 
Je me sentis tressaillir, plus gai que si on me 
chatouillait. 
Les petits soufflets aussi que sur mes joues 
Tu faisais souvent tomber, quand de toi j'approchais 
Parce que de trop près, disais-tu je te parlais. 
Jamais ils ne me firent grand mal au contraire cousine 
Ils me faisaient éprouver la douce chaleur de ta main. 
Tes yeux, quand il semblait que tu allais te fâcher 
Me disaient tendrement: Tu peux recommencer. 
Dieu sait si je m'épargnais. Puis de combien  
de manières. 
Tantôt dans les maisons, tantôt dans les rues, 
Dans les jardins, dans les champs, dans les vallons,  
dans les prés 
Toujours l'un près de l'autre on nous auraient trouvés 
Cela ne fut qu'un jeu; mais quand nos années 
Peu à peu en grandissant se trouvèrent augmentées 
Notre étoile alors voulut nous séparer. 
Avant le père Adam, il n'y eut pas de créatures 
Donc, avant Adam, il n'y eut pas de Truquetaulés* 
Pour nous, c'est bien assez qu'il fût des premiers. 
Dites-moi : que faisait-il quand son morceau de femme 
Devisant avec le serpent, lorgnait la pomme ? 
Peut-être, en prenant le soleil, il se rognait les ongles 
Ou peut-être, comme un sot, il parlait aux alouettes 
Peut-être que tout seul il regardait couler l'eau 
Comment poussaient les fleurs, les fruits 
et d'où le vent soufflait 
Il pouvait bien aussi faire quelque proverbe 
Sur tout ce qu'il voyait de nouveau à chaque instant. 
Suffit que sur ce point l'Église se soit tue, 
Pour que nous puissions penser ce qui nous fait 
le plus de plaisir. 
Adam donc, s'il vous plaît, pour le dire en deux mots 
Fut un peu Truquetaulé le premier de tous. 
Imprudemment il laissa sa femme seulette, 
Quand le serpent se cachait dans l'herbe fraîche 
Cela fut manquement d'un sot, d'un étourdi, 
D'une tête éventée, d'un maladroit Truquetaulé 
Car, s'il l'aimait tant, pourquoi, errante 
Comme un jeune cheval qui ne retient pas la bride 
A travers champs, l'abandonna-t-il toute seule. 
Et, sous le pommier, la laissa-t-il caqueter ? 
        
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